Face à la montée en puissance des fraudes documentaires, les organisations – publiques comme privées – sont confrontées à un défi de taille : identifier, prévenir et traiter des manipulations de plus en plus sophistiquées, souvent invisibles à l’œil nu. Portées par la digitalisation des processus et la démocratisation des outils d’intelligence artificielle, ces fraudes touchent désormais tous les secteurs, du bancaire au social, en passant par le judiciaire ou l’assurance. C’est pourquoi il est essentiel de s’appuyer sur des solutions expertes permettant de détecter les documents frauduleux.
Cet article propose un état des lieux des enjeux actuels, des principales typologies de fraude rencontrées, des dispositifs de contrôle ainsi que nos enseignements sur la mise en œuvre d’un outil de détection de la fraude documentaire
1. Enjeux : une menace en forte croissance et en perpétuelle évolution
La fraude documentaire constitue aujourd’hui une menace transversale et dynamique qui ne cesse de s’aggraver sous l’effet de la numérisation des échanges. Son impact est massif :
- Un coût économique majeur : la fraude documentaire en France représenterait un préjudice annuel de plus de 65 milliards d’euros, soit 2,5 % du PIB national
- Une dynamique inquiétante : entre 2023 et 2024, les cas de falsifications numériques de documents ont bondi de +244 %, dépassant pour la première fois les contrefaçons physiques. L’essor des outils d’IA générative facilite cette transformation à bas coût.
- Tous les secteurs sont concernés :
- 60 milliards d’euros de fraude documentaire dans la fraude fiscale
- 2,7 milliards d’euros de fraude dans le secteur de la santé
- 2,5 milliards d’euros de fraude à l’assurance
- 1 milliard d’euros de fraude bancaire
- 1 milliard d’euros de fraude du secteur immobilier
- Une fraude « normalisée » : 10,8 % des Français admettent avoir utilisé un faux document, avec un taux de réussite estimé à 73 %
- Un risque réputationnel et juridique : pour les entreprises, une fraude mal détectée peut avoir des conséquences lourdes en plus de la perte financière : perte de clients, non-conformité réglementaire, sanctions.
2. Typologies de fraude documentaire : un panorama structuré en six grandes familles
Les modes de falsification sont nombreux, mais ils peuvent être regroupés selon leur domaine d’usage :
- Fraude à l’identité
- Usurpation ou falsification de documents d’identité (CNI, passeport, permis).
- Plus de 200 000 victimes annuelles recensées en France
- 17 % des Français connectés ont déjà modifié ou falsifié un document pour ouvrir un compte ou obtenir un crédit
- Fraudes aux justificatifs personnels
- Faux justificatifs de domicile, revenus, situation familiale, etc.
- Présents dans 10 à 15 % des dossiers bancaires
- Fraudes aux documents fiscaux, comptables et administratifs
- Manipulations de bilans, fausses liasses fiscales, création de faux
- Détournement de subventions ou fraudes aux marchés publics (46 % des organismes déclarent en avoir été victimes dans les deux dernières années).
- Fraudes aux documents d’assurance, de santé et d’aides sociales
- Faux certificats médicaux, faux devis, photos de dommages manipulées pour faciliter l’indemnisation.
- 20 % des assurés ont déjà falsifié au moins un document
- Fraudes académiques et professionnelles
- Falsification de diplômes, attestations, certifications techniques ou brevets.
- Près de 50 % des PME et grandes entreprises ont déjà découvert des cas de candidats mentant sur leurs qualifications
- Fraudes juridiques et notariales
- Falsification de décisions de justice, actes notariés ou titres de propriété.
- Utilisation dans le cadre de fraudes bancaires, immobilières ou successorales
3. Typologies de contrôles : une approche multi-niveaux pour détecter les fraudes
- Contrôle sur la structure et le format du document
- Analyse du format et de la structure du fichier : type et extension du fichier (PDF,JPEG, PNG etc), résolution, compression, présence d’anomalies, de signatures électroniques, détection de calques ou masques cachés
- Analyse du code et des métadonnées : nom du logiciel, historique d’enregistrement, auteur du fichier, incohérences
- Analyse des altérations via computer vision : changement de police, alignements, zones masquées, recollées, anomalies de colorimétries
- Détection de documents forgés par l’IA
- Contrôle sur les données
- Analyse de la cohérence des informations sur le document : Vérification des éléments de codification et de clé de contrôle (NIR, IBAN, SIREN, MRZ, 2D-Doc etc), contrôle des formats et longueurs de champs, détection d’incohérences temporelles
- Analyse de la cohérence des informations entre différents documents d’un même lot : Croisement des données entre plusieurs pièces d’un dossier (fiche de paie, CNI, etc), détection de disparités entre versions ou identités incohérentes
- Paramétrage de règles métiers spécifiques en fonction du document : règles sur formats normalisés (NIR, IBAN, SIREN), règles sur valeurs métiers (ex : cohérence entre médecin et RPPS)
- Contrôle par rapport à des modèles
- Détection de modèles de document non conformes à l’éditeur
- Détection de modèles obsolètes ou périmés
- Détection d’usage récurrent et frauduleux d’un même modèle de document
- Détection de la réutilisation frauduleuse de mêmes photos
- Contrôle par rapport à des bases de données
- Croisement avec des banques de données externes et/ou des réseaux antifraude partagés
- Comparaison avec des référentiels d’entreprise ou de partenaires
- Vérification par rapport à des documents ou données en accès libre (web ou darkweb)
4. Nos enseignements : constats et recommandations clés pour réussir votre projet
Ce que nous retenons de nos expériences
- Un écosystème en forte expansion : Nombre croissant d’acteurs et de solutions sur le marché et dynamique d’innovation constante (+ de 50 acteurs)
- Une spécialisation des acteurs par typologie de cas d’usage : KYC, vérification d’IBAN, documents non normés etc
- Une forte hétérogénéité des performances des solutions : les modèles sont plus ou moins performants selon les acteurs (taux de détection entre 10% et 50%)
- Des acteurs qui se distinguent en intégrant un nombre important de règles métiers sur des typologies de documents (+ de 300 règles)
- Une forte variabilité de coût entre les acteurs : des coûts pouvant aller du simple au double
Nos recommandations pour réussir un projet de mise en œuvre d’un outil de détection de la fraude documentaire
- Identifier les cas d’usage prioritaires
Priorisez les documents les plus exposés au risque de fraude selon vos métiers : processus KYC, justificatifs financiers, documents médicaux, etc.
- Réaliser une cartographie du marché (RFI) avant short list
Face à un écosystème en fort développement, un cadrage rigoureux permet de réduire le champ des possibles et de sélectionner les solutions les mieux adaptées aux besoins prioritaires
- Tester les solutions sur un jeu de données réel
Intégrez dès le RFP, une phase de test (Proof of Concept) avec un panel de documents sains et frauduleux. Cela permet d’évaluer les solutions sur les deux critères principaux : le taux de détection et le taux de faux positifs.
- Mesurer le ROI avant généralisation
Avant tout déploiement à l’échelle, mesurez concrètement les gains sur les processus (temps de traitement, risques, conformité) pour valider la pertinence du projet
Sources :
https://www.masecurite.interieur.gouv.fr/fr/fiches-pratiques/numerique/usurpation-identite
LexisNexis® Risk Solutions Global Cybercrime Report (2021)
ACPR – Communiqué de presse du 4 septembre 2024
Observatoire de l’épargne réglementée de la sécurité des moyens de paiement – Rapport annuel 2023
Next Content – Assurances, mutuelles : expérience client et nouveaux services numériques (2025)
Haut Conseil du Financement de la Protection Sociale – La lutte contre la fraude sociale – Rapport 2024
PWC – Global Economic Crime and Fraud Survey (2022)
Credence Background Screening in association with Prospects – CVs Uncovered 2019
Allianz Trade x DFCG – Baromètre Fraude 2022
IN BANQUE en partenariat avec Capgemini Invent et Tessi – « Les Français et leur banque en 2024 »
L’observatoire Tessi de la fraude documentaire – Rapport initial 2025
Entrust – Identity Fraud Report 2025
Signicat – The Battle Against AI-driven Identity Fraud (2024)