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François CAMPANA

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Accord entre l’Europe et Apple sur ApplePay et si les vrais gagnants étaient les commerçants ?

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Smartphone affichant une application « Boutique Wallet » réalisant un paiement sans contact via NFC sur un terminal de paiement, avec le drapeau de l’Union européenne flouté en arrière-plan.

En juillet 2024, la Commission européenne a officiellement accepté les engagements proposés par Apple visant à ouvrir l’accès à la technologie NFC des iPhones aux développeurs tiers, marquant ainsi la fin du monopole d’Apple Pay sur les paiements de proximité NFC.

L’ouverture d’un marché de plusieurs trilliards de dollars de paiements, de plusieurs milliards de dollars de commissions captées par Apple a immédiatement suscité réactions et annonces :

  • Dès décembre 2024, Vipps, la solution de paiement mobile norvégienne ouvre la voie en permettant le paiement en NFC sur iPhone à partir de son application 
  • Plusieurs App dont des consortiums bancaires suivent le mouvement : BlueCode, Bizum… et nul doute que bien d’autres projets ont été lancés à cette période par des banques et sociétés de paiement, pour bénéficier au plus tôt de cette nouvelle opportunité   
  • Du côté des BigTech, Paypal annonce d’ailleurs très rapidement l’ouverture du paiement NFC sur iPhone, annonce qui se concrétisera en mars 2025 par des premiers déploiements en Allemagne

Alors que tous les regards se sont portés sur l’impact de l’accord entre la Commission Européenne et Apple sur les wallets de paiements, un champ de valeur, côté acceptation, ne doit pas être négligé : les wallets commerçants.

Car la fin du monopole d’Apple Pay permet aussi de repenser, au bénéfice des commerçants et des consommateurs, l’intégration entre le parcours et les services associés à l’achat d’une part, et les parcours et les services associés au paiement d’autre part.

Bien que ceux-ci n’aient pas (encore) percé en France, les exemples de Wallets Commerçants au niveau international permettent d’illustrer le modèle d’intégration digitale, par les Retailers, de la chaîne de valeur achat – paiement.

Café et restauration : le pionnier Starbucks

Impossible d’évoquer les succès des wallets commerçants sans mentionner Starbucks, une, sinon la référence en la matière.

Starbucks a été, dès 2009 et aux Etats-Unis, l’un des premiers commerçants à intégrer le paiement mobile dans son App. Cette dernière permet ainsi de commander, de cumuler des étoiles dans le programme de fidélité Starbuck Rewards, de gérer les récompenses afférentes … et de payer.

L’intégration du paiement et de l’achat est stratégique. Elle permet à Starbucks de :

  • Fluidifier l’expérience client en magasin et en caisse,
  • Déployer de nouveaux services comme la capacité d’envoyer des cartes cadeaux virtuelles à ses amis ou sa famille,
  • Désintermédier les banques avec sa carte virtuelle Starbucks privative intégrée dans l’App.

Preuve s’il en fallait de la volonté de Starbucks de reprendre le contrôle des paiements : Starbucks double vos points de fidélité si vous payez avec une carte Starbucks plutôt qu’avec vos moyens de paiement traditionnels (autre wallet, espèces, cartes bancaires…).

Le succès est indéniable :

  • Plus de 30 millions d’utilisateurs actifs aux US en 2023
  • 31% des paiements dans les Starbucks aux US réalisés via son App Mobile en 2023
  • Selon le dernier rapport trimestriel disponible (Q2 2025), les cartes prépayées Starbucks représentent un dépôt de près de 2 milliards de $

Grande Distribution : le leader Walmart

Le numéro 1 mondial de la Grande Distribution a intégré Walmart Pay à son App dès 2016, permettant ainsi à ses clients d’enregistrer n’importe quelle carte bancaire ou carte cadeau Walmart, de payer en magasin en scannant un QR code affiché en caisse, et de recevoir sa facture dans l’App.

L’intégration des parcours d’achat et de paiement permet à Walmart de proposer, dans le cadre de sa formule Walmart+, le service « Mobile Scan and Go ». Le client peut alors scanner différents produits dans le magasin avec son mobile, payer dans l’App et sortir directement du magasin sans passer par les lignes de caisse. 

Walmart est discret quant à l’adoption de Walmart Pay par les utilisateurs de son App, régulièrement classée parmi les plus téléchargées du shopping, mais il ne fait néanmoins aucun doute que la maîtrise des paiements est au cœur de la stratégie de Walmart :

  • Walmart a fait le choix radical de ne pas accepter Apple Pay dans ses magasins, ceci afin de pouvoir privilégier son propre Wallet commerçant 
  • Walmart propose le paiement « Pay by Bank » (virement instantané) sur son site e-commerce afin de réduire les coûts liés aux paiements. Il devrait dans un avenir proche étendre cette possibilité aux achats en magasin grâce à Walmart Pay.

Commerce de proximité : l’inclusif 7-Eleven

Le géant du commerce de proximité a transformé, aux US et en 2020, son App de fidélité, 7Rewards, en y intégrant un wallet, le 7-Eleven Wallet. Le Wallet permet de recharger un compte 7-eleven puis de payer dans les stations-services et les magasins de la marque, en caisse ou en « mobile check-out » (un parcours similaire au « Mobile Scan and Go » de Walmart).

L’originalité réside dans le fait que les clients peuvent utiliser des espèces pour recharger le compte 7-Eleven en caisse.

7-Eleven encourage l’utilisation de son wallet en triplant les points de fidélité gagnés avec le programme 7Rewards lorsque les clients payent avec l’App.

Sans être réducteur, il est indéniable que le monopole d’Apple Pay sur l’antenne NFC de l’iPhone était un concurrent et un frein réel au succès des wallets commerçants.

  • Difficulté d’égaler la fluidité du paiement Apple Pay, lui-même intégré dans l’offre de service plus large d’Apple Wallet (carte de fidélité, transport…)
  • Nécessité d’installer un nouveau geste autour du QR Code (pour contourner le blocage du NFC), et de faire évoluer les logiciels de caisse en conséquence

Complexité technique des paiements mobiles, comme en témoigne la mésaventure de 7-Eleven avec le lancement avorté de son App de paiement 7Pay au Japon suite à une faille sécuritaire ayant entrainé 500 000€ de fraude en quelques jours.

Walmart bien conscient de cette concurrence, a d’ailleurs choisi de ne pas accepter Apple Pay dans ses magasins, ceci pour faciliter l’adoption de son propre Wallet Walmart Pay intégré à son App de shopping.

Cette absence de « same level playing field », ainsi qu’un certain retard d’adoption du paiement mobile en France (4% de l’ensemble des paiements dans les commerces français en 2024), peuvent expliquer que peu d’enseigne se soient lancées, en France, dans l’intégration du paiement de proximité dans leur App.

Mais depuis l’été 2024, le champ des possibles s’est réouvert, et, comme dans d’autres domaines des paiements, nous allons probablement observer une « reprise en main » du sujet par le commerce

  • Soit en direct par des commerçants leaders disposant naturellement d’un carrefour d’audience digitale, large ou à haute valeur, aujourd’hui sous-exploité en proximité du fait des ruptures de parcours entre l’achat et le paiement   
  • Soit par des Fintech et des consortiums avec des propositions de valeur à destination des commerçants n’ayant pas la (grande) taille critique nécessaire pour s’imposer dans une guerre où le volume est nécessaire pour installer l’usage

Les opportunités liées au Wallet Commerçant sont nombreuses 

  1. Proposer une expérience et des parcours omnicanaux à ses clients,
  2. Développer sa connaissance client sur l’ensemble de ses canaux et de ses parcours,
  3. Intégrer les services de shopping (en premier lieu les programmes de fidélité), et les services paiements (BNPL…)
  4. Augmenter la proposition de valeur de son App de Shopping,
  5. S’appuyer sur les mécanismes des cartes virtuelles pour développer un réseau privatif pour les marchés B2C et B2B, et optimiser ainsi la valeur de ses paiements… 

Ne considérer l’accord entre la Commission Européenne et Apple que sous le prisme des wallets de paiement, qu’ils soient bancaires ou BigTech, est restrictif.

En effet, même si les enjeux sur les commissions de paiements se chiffrent en 100aine de millions d’euros sur le seul territoire français, la portée de l’accord est plus large. Il réinterroge le périmètre des acteurs sur le parcours d’achat entre les acteurs du paiement (banques et établissement de paiement…), les acteurs du shopping (Klarna, Fidélité,…), les BigTech (Apple, PayPal,…), les commerçants…

Quels wallets réussiront à s’imposer entre ceux dorénavant des Big Tech, des fintechs, des banques et des commerçants eux même, avec à la clé la maitrise de la relation client digitale ?

Quels acteurs technologiques réussiront à se positionner dans ce nouveau paysage concurrentiel en proposant des services de « check-out mobile » ouverts et agiles ?

2 questions clés sur lesquelles l’ensemble des acteurs vont devoir prendre des options fortes car les nouveaux espaces stratégiques ouverts par l’accord entre l’Europe et Apple ne resteront pas inoccupées très longtemps.

Auteurs : Romain VILLA

François CAMPANA

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